Confession d’artisane ou le journal intime d’une créatrice.
Le mois de mai revêt une importance particulière à mes yeux. Je vous en parlais l’année passée en vous présentant la collection « Le mariage des bois », et ce que j’ai écrit alors est encore tout à fait valable aujourd’hui. Mai est une charnière ; un moment où l’énergie change. Et c’est pour moi le moment de me préparer à une période très intense de mon activité professionnelle. Cette année, hélas, les choses ne se passent pas tout à fait selon mon plan.
Janvier
Attaquer l’année civile est toujours un peu pénible pour moi car mon année interne, si je puis dire, ne correspond pas nécessairement à cette année officielle, encore moins à l’année commerciale. En hiver moi je me terre, je réfléchis, je mûri, et développe mes sphères intérieures… Bref, je ne suis pas vraiment câblée pour la fabrication et la promotion sur les réseaux. Et pourtant, je prépare le stock du salon Normannia, péniblement. Heureusement, la neige arrive à mon secours. Elle me sort de chez moi, m’offrant de revigorantes promenades, et m’inspire une petite série de colliers hivernaux que j’aime beaucoup.
Février
Mon nouveau mois chouchou. Après octobre et mai, février est tranquillement venu se hisser au rang de ces mois que j’espère avec impatience car ils m’emplissent d’un souffle d’inspirations et d’une énergie sensiblement nouvelle. Je mesure presque mon année aux augures de février ! Et février est beau, trop beau. Si l’on en croit les vieux adages, cela n’est pas bon signe pour le printemps… Qu’à cela ne tienne, février est flamboyant pour Lorliaswood. Tous les objectifs sont dépassés : Normannia et la vente privée sont deux belles réussites ; ça bouillonne dans ma tête : des nouveaux projets, le jour des bois qui se prépare bien, et le thème de la collection d’octobre qui s’impose déjà …
Mars
Mars file comme février : bien. Mais le stress s’insinue. Je suis une fourmi industrieuse dans mon petit atelier. Je vous dévoile enfin le projet « Lorliasbook » tel que je l’ai toujours rêvé. Ces derniers mois de formation se concrétisent et vous semblez emballés par l’idée. Puis je créé Amelia Boar, son histoire, ses bijoux, et son journal relié. Et si cela ne vous plaisait pas ? Je prends rarement le temps de manger le midi car je suis perdue dans l’arboretum avec Amelia. Et si la réponse ne valait pas l’investissement énorme que je consacre à cette collection ? Je sais déjà que le retour ne sera pas à la hauteur, je *sais* que je m’investis trop. Mes prix ne pourront pas refléter la réalité de mon travail mais ce n’est pas grave ; le jour des bois c’est un peu l’anniversaire de Lorliaswood, alors je vois les choses en grand – chaque année un peu plus. La réponse est percutante, comme d’autres fois auparavant. Mes clients sont au rendez-vous et, quand le journal d’Amelia est vendu, je pleure. De soulagement. Et parce que je réalise que je n’y croyais pas.
Avril
Après trois mois d’une croisière agréable en eaux à peu près calmes, avril est mon iceberg. Du genre petit en surface émergée, mais énorme en profondeur. Je me ramasse sur avril. Ça avait pourtant bien commencé pour moi. Je fais vos petits paquets avec bonheur, je réalise vos cadeaux – deux heures et demi par planche botanique – quand on aime on ne compte pas (le Forest Day c’est aussi une des rares occasions que j’ai de vous dire merci de manière concrète.) Il y a eu quelques nuages et j’ai eu besoin de prendre du recul des réseaux sociaux qui assombrissaient un peu trop mon ciel. Et puis vlan. J’entre dans la plus longue et pénible crise que je n’ai jamais eue en quinze ans de santé relou. Pour tout vous dire, chaque médecin que j’ai vu m’a fait un diagnostic différent. Je ne suis même pas convaincue de savoir vraiment ce que j’ai ni même si une solution définitive existe (j’en doute), mais ce que je sais c’est que ce truc envoi mon chiffre d’affaire au fond de la cuvette en même temps que le contenu de mon estomac pourtant vide. Pendant plus de dix jours, je ne peux pas créer. Je parviens à peine à finir le nouveau lorliasbook avant retourner m’écraser sur le canapé et devant la tv. Quand je subis ce truc, je ne peux pas manger ni dormir correctement, je n’ai donc pas de force. J’ai la nausée tout le temps, mal partout. Je ne peux pas créer, ni lire. Seule le poste de tv arrive à me distraire entre deux sommeils pas du tout réparateurs. Je revois Titanic, Autant en emporte le vent, les premières saisons de Stargate Atlantis, Bodygard, et La boussole d’or. C’est dire si je vais mal… Quand je suis en crise, le moral est très bas et je pars dans des endroits relativement dark de ma psyché. Je présume que c’est le cas de beaucoup lorsqu’on est malade. Je ne suis pas à plaindre et mieux lotie que tant d’autres. Mon traitement ne marche visiblement plus, mais mon chéri assure. Mais voilà, la catastrophe financière m’obsède. C’est une des réalités du job dont on parle peu : si je suis malade, je ne gagne pas d’argent. Pas d’assurance maladie pour moi (à moins de la payer à prix d’or, dans le privé, ce qui ne m’est pas possible). Et plus je stresse pour ça, plus je suis malade… Grosse ambiance à la casa Lorliaswood.
Mai
Je me remets doucement de ma rencontre avec l’iceberg. Comment ai-je pu être aussi malade sous traitement et en faisant attention à tout ce que je bois et mange ? Mon médecin est parti en retraite, je dois en trouver un autre, et reprendre le chemin de l’hôpital pour examens. La motivation peine à revenir. Comme d’habitude, le show se joue en privé : je me pose mille questions, je cache ma fatigue, et mon léger découragement. Ce n’est pas du retard si c’est irrattrapable, c’est de la perte. Tant pis pour avril, essayons de sauver mai !
J’essaye de m’exciter un peu pour quelque chose en expérimentant de nouvelles méthodes créatives, et ça marche ! Au fond, je suis très motivée par le thème de la collection de mai, même si je sais que je n’aurai pas le temps de tout faire et devrais la scinder en deux. Mais avant de pouvoir me jeter dedans corps et âmes, je termine quelques nouveautés que j’avais prévues pour avril.
Et maintenant?
La micro collection « Helleborus » va arriver en boutique, ce soir ou demain. Puis ce sera le tour de la collection de mai (grimoires et bijoux). Et puisque c’est mai, il sera question de clair-obscur et d’ensauvagement forestier – je pense que ça vous plaira !
J’attends également que le beau temps se stabilise pour commencer ma fabrication de mon papier artisanal. J’ai tellement hâte de m’y mettre!
Ensuite, pyrogravure pour le nouveau stand pour lequel je dois aussi trouver du mobilier. Et commencera le travail sur le stock des marchés de l’été.
Je profite de ce billet pour vous annoncer une décision : il me reste actuellement deux commandes personnalisées à terminer. J’ai décidé qu’après celles-ci, je fermerais définitivement le carnet de commande. La décision est ferme, au moins pour cette année. J’ai eu beaucoup le temps de réfléchir dernièrement, et je vais commencer à laisser partir tout ce qui me pèse et me stresse ne serait-ce qu’un peu. Si j’y vais à reculons, je préfère ne pas y aller. Je ne peux pas fermer boutique (malgré le stresse qu’elle génère parfois) car j’aime mon travail. Mais j’ai au moins la liberté de dire non aux demandes privées. Je préfère travailler spontanément, quitte à contacter les gens directement si je travaille un thème pour lequel ils m’avaient contactée, et leur donner la primeur. Plutôt que de m’imposer une nouvelle source de stress. J’aimerai vous parler de tout ça plus longuement, et moins abruptement. Mais ça devra convenir pour le moment car je dois prioriser. Je suis désolée pour ceux qui seront déçus, j’espère que vous comprenez… Je reste ouverte à vos suggestions afin d’éventuellement les inclure à mes mises à jour spontanées.
Un commentaire
Marie
J’ai peur de ne pas pouvoir être d’un grand réconfort, mais je laisse néanmoins un mot devant ta porte pour te dire que ta sincérité et ta vulnérabilité sont une denrée rare et donc précieuse. Je suis désolée d’apprendre que tes soucis de santé ne s’améliorent pas, et que cela te cause bien des ennuis dans la gestion de ton échoppe. Courage ! J’espère que cela n’est qu’une mauvaise passe, et que tu renoueras bien vite avec ta sève. La fin de ton billet le laisse déjà présager :)